5 décembre 2001
Le Nouvel ordre mondial : Guerre sans fin et injustice absolue
Bonjour à tous et à toutes
Le titre de cette compilation se réfère essentiellement à l'excellent texte de Michel Collon inclus en partie ci-après. Je ne saurais trop vous le recommander.
À faire circuler...
;-)
Jean Hudon
Coordonnateur du Réseau Arc-en-ciel de la Terre
http://www.cybernaute.com/earthconcert2000
CONTENU
1. Le 3e livre de la trilogie du Nouveau Paradigme est disponible
2. Invocation pour un avenir de Lumière
3. Extrait de LEmpire en guerre - Le monde après le 11 septembre
1.
Date: Wed, 28 Nov 2001
From: Huguette Demers <demersh@interlinx.qc.ca>
Subject: Le 3e livre de la trilogie du Nouveau Paradigme est disponible
Chers amis
Voici le 3e livre de la trilogie du Nouveau Paradigme (comme j'en suis venue à désigner ces trois livres que nos frères et soeurs galactiques nous ont offerts). J'aurais voulu travailler le texte, le polir... mais le temps presse et l'information doit sortir.
Lorsque je songeais à traduire "Le Mutant", en février 2001, j'ai reçu une comunication télépathique très claire qui disait: "Si c'est vraiment ton intention de traduire ces livres, fais-le maintenant et fais-le vite, car d'ici deux ou trois ans, ils seront mis à l'index et leur distribution sera interdite." Bien sûr, ce n'est qu'un des futurs possibles; mais, si vous suivez les événements à l'échelle mondiale, et surtout si vous avez des sources d'information qui vous permettent de distinguer ce qui se passe en coulisse, vous savez que des lois se votent actuellement dans de nombreux pays qui réduiront terriblement les libertées individuelles.
Alors, si vous êtes convaincus que l'information offerte dans la trilogie présente la vérité, imprimez-la sur papier et préservez vos originaux pour reproduction ultérieure. Puis, passez les copies électroniques à des gens dont vous connaissez les allégeances et la disposition du coeur.
"Que la Lumière de notre désir de transformation nous éclaire pour nous aider à trouver la fourche sur notre sentier et qu'elle fortifie notre courage de l'utiliser!"
Huguette
NOTE DE JEAN: Pour obtenir copie de ce 3e livre, veuillez en faire la demande directement à Huguette Demers <demersh@interlinx.qc.ca>.
2.
From: "BAILLAIS.DENISE" <BAILLAIS.DENISE@wanadoo.fr>
Subject: Invocation pour un avenir de Lumière
Date: Tue, 27 Nov 2001
Bonsoir,
Je viens spécialement vous remercier des messages que vous me faites parvenir; je les retransmets à tous ceux et celles qui ont le coeur ouvert, et ils nous aident à tenir bon dans notre volonté incessante de voir tous les frères et soeurs humains se donner la main, et il y a même une amie avec qui nous avons commenté le dernier. Merci de tout le travail que vous faites pour l'humanité.
Je vous propose le texte ci-dessous :
"Dieu de tous les hommes, Dieu de toute vie,
Dans l'humanité dont nous rêvons :
- Les politiciens sont profondément humanistes et oeuvrent au service du bien commun.
- Les économistes gèrent les finances des Etats avec discernement et dans l'intérêt de tous.
- Les savants sont spiritualistes et cherchent leur inspiration dans le livre de la Nature.
- Les artistes sont inspirés et expriment dans leurs oeuvres, la beauté et la pureté du Plan divin.
- Les médecins sont animés par l'amour de leur prochain et soignent aussi bien les âmes que les corps.
- Il n'y a plus de misère ni de pauvreté, car chacun a ce dont il a besoin pour vivre heureux.
- Le travail n'est pas vécu comme une contrainte mais comme une source d'épanouissement et de bien-être.
- La nature est considérée comme le plus beau des temples, et les animaux comme nos frères en voie d'évolution.
- Il existe un Gouvernement mondial formé par les dirigeants de toutes les nations, oeuvrant dans l'intérêt de toute l'Humanité.
- La spiritualité est un idéal et un mode de vie qui prennent leur source dans une Religion universelle, fondée davantage sur la connaisance des lois divines que sur la croyance en Dieu.
- Les relations humaines sont fondées sur l'amour, l'amitié et la fraternité, de sorte que le monde entier vit dans la paix et l'harmonie.
Qu'il en soit ainsi... (un jour prochain!)
(Extrait de la "Positio Fraternitatis Rosae Crucis" - 1er Septembre 2001).
Avec mes meilleurs voeux de Paix Profonde.
Sincèrement et Fraternellement.
Denise
*
LE TEXTE SUIVANT MÉRITE UNE ATTENTION TOUTE PARTICULIERE TANT PAR LA QUALITÉ EXCELTIONNELLE DE SON ANALYSE GÉOPOLITIQUE QUE PAR LA MEILLEURE COMPRÉHENSION QU'IL OFFRE DES MENÉES IMPÉRIALISTES DE LA SUPERPUISSANCE AMÉRICAINE DANS SA QUETE DE DOMINATION MONDIALE. UN "MUST"! EN VOICI QUELQUES EXTRAITS.
"La guerre globale a commencé. Et cest bien une guerre pour imposer la mondialisation."
Tout juste reçu de "Philippe PLANTEY" <philippe.plantey@freesbee.fr>
Date: Mon, 19 Nov 2001
De: Michel COLLON <michel.collon@skynet.be>
Ce texte fait partie dun livre collectif à paraître bientôt:
LEmpire en guerre - Le monde après le 11 septembre
Coédition Temps des Cerises EPO, Paris, Bruxelles.
(FAIR USE ONLY)
La guerre globale a commencé
MICHEL COLLON
«Guerre contre le terrorisme»? Si cétait un film, ce scénario officiel serait rejeté comme ne tenant pas debout et cachant dautre motivations.
Première invraisemblance : en 1999, puis en 2001, les talibans ont estimé que la présence de Ben Laden sur leur territoire empêchait leur reconnaissance internationale et ils ont proposé aux Etats-Unis de léliminer ou de le neutraliser. A chaque fois, les Etats-Unis ont refusé. Cela a été révélé par Laili Helms, qui représentait officiellement les talibans à Washington Qui na pas démenti. Pourquoi?
Deuxième invraisemblance : peu avant les attentats, Ben Laden, lennemi public activement recherché paraît-il depuis trois ans, était venu tranquillement se faire soigner à Dubaï et y avait rencontré le responsable local de la CIA.
Troisième invraisemblance : après les attentats, les talibans ont à nouveau proposé de livrer Ben Laden pour quil soit jugé dans un pays neutre. Une telle solution avait été appliquée pour lattentat aérien de Lockerbie, débouchant sur la condamnation dun citoyen libyen. Mais Bush a tout de suite refusé. Pourquoi?
Quatrième invraisemblance : chacun sait à présent que les Etats-Unis ont mis en place, financé et armé Ben Laden pour contrôler lAfghanistan. On dit moins quils ont aussi utilisé ces milices fanatiques pour des objectifs semblables en Bosnie, au Kosovo, en Macédoine, en Tchétchénie. Pourquoi refuse-t-on douvrir le dossier de leur rôle dans ces guerres aux conséquences tragiques?
Cinquième invraisemblance : on nous dit que pour garantir la démocratie et respecter les droits des femmes, il fallait éliminer les talibans. Et qui prend leur place? LAlliance du Nord de feu le commandant Massoud, au sanglant palmarès de terreur et de trafics criminels. Qui donc avait imposé la Charia islamiste à Kaboul en 1994? Massoud lui-même.
Contradiction flagrante aussi sur le fond du problème : chacun sait quon néliminera pas le terrorisme avec des bombes mais en sattaquant aux injustices et aux oppressions qui lui fournissent un terreau.
Sattaque-t-on dès lors à la faim dans le monde que 15 milliards de dollars suffiraient à éliminer? Non, on augmente de 40 milliards le budget militaire US. Et les budgets européens vont suivre. Plutôt que de résoudre la question palestinienne, Bush signe en novembre 2001 un énorme contrat (200 milliards $) pour construire un bombardier encore plus terrible, le Joint Strike Fighter. Dont chaque victime remplira les poches déjà bien bourrées des constructeurs Lockheed Martin et Boeing.
Tout ceci amène à se demander si la guerre navait pas été décidée bien avant les attentats. Oui, a affirmé lancien ministre pakistanais des Affaires étrangères, Niaz Naïk. Fin juillet déjà, «des fonctionnaires américains lui avaient parlé dun plan américain visant à lancer une action militaire pour renverser le régime taliban et installer à sa place un gouvernement dAfghans modérés. Cela se ferait à partir de bases situées au Tadjikistan où les conseillers US étaient déjà en place. On lui déclara que si laction était maintenue, elle aurait lieu avant les neiges, vers la mi-octobre au plus tard.»
Comment expliquer toutes ces invraisemblances?
En fait, ce que les Etats-Unis poursuivent à travers cette guerre, ce sont cinq objectifs bien plus vastes :
1. Contrôler le pétrole et le gaz dAsie centrale.
2. Imposer leurs bases militaires au coeur de lAsie, entre Chine et Russie.
3. Préserver la domination US sur lArabie Saoudite.
4. Militariser léconomie comme solution à la crise qui couve.
5. Briser la résistance du tiers monde et la lutte antimondialisation.
A poursuivre tant dobjectifs à la fois, une superpuissance peut sembler forte. En réalité, elle y montre aussi sa faiblesse. De plus en plus contestés, par le tiers monde à lOMC, par les jeunes antimondialisation sur Internet et dans la rue, les Etats-Unis et leurs alliés réagissent par la guerre.
Mais tôt ou tard, leurs divers objectifs entrent en contradiction entre eux. Tandis que leur arrogance, leur mauvaise foi, leur agressivité ne font quaugmenter la révolte partout. LEmpire est en crise.
Quiconque lutte pour le progrès, la justice et la paix, est donc forcé de se poser la question des objectifs réels sil veut pouvoir expliquer autour de lui ce qui se passe. Cest dautant plus nécessaire que les dirigeants US eux-mêmes - qui dhabitude minimisent lampleur de ce quils font - déclarent cette fois que la guerre durera de longues années et que dautres Etats en deviendront les cibles. En outre, ces mêmes dirigeants prennent - à létranger mais aussi sur leur propre territoire - des mesures de répression extrêmement graves. Quils pourront utiliser contre toute opposition politique, notamment le mouvement antimondialisation.
Oui, nous sommes entrés dans une nouvelle forme de guerre, plus grave encore que les précédentes. Nous sommes entrés dans la guerre globale.
Objectif n° 1 : Contrôler les routes du pétrole
Beaucoup de guerres dites incompréhensibles sont en réalité des guerres pour lor noir, écrivions-nous dans notre livre Monopoly Les multinationales pétrolières US et leur gouvernement entendent contrôler toutes les routes permettant dexporter les énormes réserves de pétrole et de gaz dAsie centrale. Nos cartes géographiques indiquaient les pays ayant le malheur de se trouver sur les routes vers lOuest : Tchétchénie, Géorgie, Kurdistan, mais aussi Yougoslavie et Macédoine. Autant dingérences, autant de guerres.
Mais ces cartes montraient aussi les menaces planant sur la route Est (vers la Chine et le Japon). Dautant que la CIA soutient activement les milices islamistes ouïgoures antichinoises du XingJiang. Ainsi que sur la route Sud puisque la multinationale US Unocal intrigue depuis longtemps pour contrôler le pipe-line à construire à travers lAfghanistan et le Pakistan. Juteux bénéfices à la clé.
Lindustrie pétrolière est omniprésente au coeur même de ladministration US. Elle a fourni tous les ministres des Affaires étrangères depuis la Seconde Guerre mondiale, à lexception de deux.
Dont lactuel, certes : Colin Powell. Mais on ne perd pas au change puisque la famille Bush est une des principales familles pétrolières du Texas. Et surtout parce que le véritable chef de ladministration Bush, à savoir Dick Cheney, est lui-même un poids lourd de cette industrie. Juste avant de devenir vice-président, il a été - cinq ans durant - à la tête de Halliburton. Une des principales sociétés de services à lindustrie pétrolière, présente dans plus de 130 pays et employant cent mille personnes. Chiffre daffaires 1999 : 15 milliards de dollars. Une des 400 plus grosses multinationales du monde. Pour arriver à de si beaux résultats, Cheney na pas hésité à fricoter avec la dictature en Birmanie. Et au Nigéria, ses investissements ont fortement augmenté après lassassinat de plusieurs militants écologistes et lécrasement des protestations populaires dans le delta du Niger. De plus, des responsables de ladministration auraient aidé Halliburton à décrocher de gros contrats en Asie et en Afrique, selon des documents du Département dEtat tombés aux mains du Los Angeles Times La guerre annoncée est donc arrivée. En fait, depuis plus de vingt ans, Washington manoeuvre et complote afin de semparer de lAfghanistan, carrefour stratégique de lAsie. Le but na pas varié, mais les méthodes si. Ce fut dabord en armant les milices islamistes contre lUnion soviétique. La plus grosse opération CIA de tous les temps. Un diplomate US au Pakistan confiait en 1996 : «Vous ne pouvez injecter des milliards de dollars dans un Jihad anticommuniste, accepter des participants du monde entier et ignorer les conséquences. Mais nous lavons fait. Nos objectifs nétaient pas la paix et le bien-être en Afghanistan. Notre objectif était de tuer des communistes et de chasser les Russes.»
Ainsi, les moudjahiddins de la CIA ont renversé le seul régime qui ait jamais émancipé les femmes afghanes et tenté, en dépit de graves défauts, dapporter un peu de progrès social. Et comment ces moudjahiddins ultra-pauvres payèrent-ils les armes américaines? En transformant leur pays - avec la bénédiction de la CIA - en premier producteur mondial dhéroïne. Ce qui entraîna la création de la très importante filière de la drogue Afghanistan Turquie Balkans - Europe. Avec toutes ses conséquences. Le cocktail pétrole armes drogue est dailleurs un classique de la CIA.
Après cette grande victoire de leur terrorisme, les Etats-Unis favorisèrent les talibans en dépit des vives critiques dorganisations de défense des droits de lhomme. Interrogée sur le sort des femmes afghanes, Madeleine Albright répondait alors : «Affaire intérieure»! La ministre US des Affaires étrangères jouait son rôle de représentante de commerce puisquUnocal invitait somptueusement ces talibans au Texas. Signalons aussi quHenry Kissinger en personne avait assisté en 1995 à la signature de laccord sur le pipeline, entre Unocal, son partenaire saoudien Delta et le président du Turkmenistan. Plus tard, Unocal et donc Washington décidèrent de changer de cheval. Les talibans nayant pas réussi à stabiliser le pays divisé, il fallait miser sur dautres forces pour remplacer les alliés dhier devenus gênants. Cette guerre, décidée bien avant les attentats, nest donc pas plus humanitaire que les précédentes. Mais lAfghanistan nest pas du tout le seul pays victime de la guerre pour le pétrole et le gaz. Outre lIrak, citons entre autres le Caucase, la Colombie, lAlgérie, le Nigéria, lAngola... Bref, partout dans le monde où lon trouve pétrole ou gaz, les Etats-Unis décident que cela leur appartient, ils cherchent à y installer leurs bases militaires et provoquent ou excitent les guerres quils jugent utiles à leurs intérêts.
Toute personne sensée se demandera donc : les Etats-Unis ont-ils vraiment besoin de tout ce pétrole pour leurs usines et leurs voitures, en supposant même quon doive conserver lactuel modèle économique absurde, gaspilleur et polluant, où le litre de pétrole, sous-payé aux producteurs, est en fait moins cher, hors taxes, que le litre deau? Non, les Etats-Unis nont pas besoin de tout ce pétrole. Les réserves des gisements situés aux USA sont entre trois et cinq fois supérieures à celles de lAsie centrale. Et celles de gaz naturel dix fois. Il ne sagit donc pas dassurer, comme le gouvernement US le dit à chaque guerre «la sécurité des approvisionnements énergétiques».
Nouvelle question donc, aussi logique : le pétrole est-il le but ultime des Etats-Unis? Non, ce nest pas un but en soi. Cest une arme, une possibilité de chantage. Comme nous lécrivions également dans Monopoly ( p. 112 ) : «Qui veut diriger le monde doit contrôler le pétrole. Tout le pétrole. Où quil soit.» Dans la guerre économique qui caractérise le capitalisme, les Etats-Unis entendent détenir un moyen de pression stratégique en contrôlant lapprovisionnement énergétique de leurs grands rivaux (Europe et Japon) et celui dautres pays risquant de se montrer trop indépendants. Par exemple, si le pipeline allant du Caucase vers lOuest est russe et non turc ou macédonien, lEurope aurait accès à un pétrole que Washington ne contrôlerait pas. Aussi, quand il sagit dinstaller des bases militaires dans certaines régions pétrolières, Washington nest pas pressée dy inviter ses chers alliés.
Ceci dit, le pétrole suffit-il à expliquer cette guerre contre lAfghanistan? Non, et les Etats-Unis connaissaient bien la difficulté de conquérir ce pays. Les Britanniques et les Soviétiques sy cassèrent déjà les dents.
Objectif n° 2 : Imposer les bases militaires US au coeur de lAsie
En 1997, Zbigniew Brzezinski, déjà cité, définissait laxe - clé de la politique étrangère américaine : contrôler lEurasie (Europe + Asie), soit 75% de la population mondiale et 60% des richesses économiques et naturelles. Pour cela, il fallait affaiblir les rivaux potentiels : Europe, Russie, Chine. Et empêcher toute alliance entre eux. Cest le continent asiatique qui connaît et va connaître la plus forte expansion. Et en Asie, la Chine excite particulièrement les convoitises avec son formidable marché potentiel et son exceptionnel taux de croissance de 9,8% ces vingt dernières années. Sa production a presque triplé entre 1990 et 1999. Selon certaines estimations, la part des USA dans le PIB mondial continuerait à chuter - de 50% en 1945, puis 35% dans les années 60 et actuellement 28%, il descendrait à 10 ou 15% vers 2020 et serait alors rattrapé par celui de la Chine. + SIMPLE. Linfluence de cette Chine ne cesse daugmenter Le rêve de Washington, cest de ramener la Chine à létat de néo-colonie et bien sûr de liquider le socialisme. Rêve pas facile à réaliser, que ce soit par les dollars ou par les menaces. Car Pékin poursuit imperturbablement sa propre stratégie : développement accéléré tout en maintenant la coexistence pacifique avec les Etats-Unis. Cependant les dirigeants chinois ont très bien compris lavertissement lancé en 1999 lorsque les Etats-Unis ont délibérément bombardé leur ambassade à Belgrade.
En réalité, ce qui vient de commencer en Afghanistan, cest lencerclement stratégique de cette Chine trop rebelle et trop puissante. La Chine constitue à notre avis lobjectif majeur de Washington déjà dans cette guerre. Pourquoi? Mais deux autres puissances dAsie sont également visées : la Russie et lIran. Certes, la nouvelle bourgeoisie russe est actuellement réduite aux seconds rôles, ses moyens daction étant fortement limités par la catastrophe sociale et économique provoquée par la restauration capitaliste. Cependant, elle cherche à rejouer au plus vite un rôle international de poids. En combinant deux méthodes... Parfois sallier servilement, à lOuest, parfois jouer sa propre carte, pour se rendre plus "nécessaire" et faire monter les enchères. Ainsi, Moscou fait du commerce ou noue des alliances avec des pays classés "voyous" par Washington : Corée du Nord, Iran, Irak, Syrie... Et Poutine soppose au bouclier dit anti-missiles, cest-à-dire à la relance dune ruineuse course aux armements. Que veut Washington, par exemple en soutenant les milices islamistes séparatistes en Tchéchénie? Profiter de la brève période où la Russie est dans le creux de la vague pour laffaiblir durablement et lempêcher de redevenir une rivale sérieuse. La troisième puissance de cette région que Washington cherche à déstabiliser, cest lIran. Après avoir organisé en 1952 le renversement du trop indépendant premier ministre iranien Mossadegh, après avoir soutenu la sanglante dictature du Chah Pahlevi, Washington encaissa une cuisante défaite dans ce pays avec la révolution islamique et anti-impérialiste de 1979. Pour laffaiblir, elle a alors délibérément provoqué la guerre Iran Irak (80-88). Elle a également joué la carte de lAfghanistan pour exacerber les contradictions entre musulmans chiites (Iran) et sunnites (Arabie Saoudite, émirats du Golfe, Afghanistan, Pakistan). Dans ce pays, Washington misa sur la stratégie islamiste sunnite du général Zia qui avait éliminé physiquement le premier ministre Bhutto. Cest notamment par lintermédiaire des services secrets pakistanais que la CIA utilisa les moudjahiddins afghans. But : affaiblir lURSS, mais aussi lIran.
«Empêcher une alliance anti-hégémonique Chine Russie Iran»
Bien sûr, le grand principe de toute politique impérialiste reste "Diviser pour régner". Sur ce continent asiatique, voici que les Etats-Unis craignent par dessus tout, explique encore Brzezinski : «La Chine pourrait être le pilier dune alliance anti-hégémonique Chine - Russie Iran.» Une telle alliance sest ébauchée avec le Groupe de Shanghaï, qui réunit la Chine, la Russie et quatre républiques dAsie centrale : Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan et Ouzbekistan. Objet : coopération contre les incursions du terrorisme islamiste et collaboration économique. Une telle coopération serait bienvenue pour ces républiques, sinistrées elles aussi par la restauration du capitalisme et la destruction de lURSS. La production industrielle du Kazakhstan et du Tadjikistan a baissé de 60%. Selon les propres experts de lUS Army, «une telle faillite économique est comparable à lentrée en guerre du pays.» Commentaire dun analyste australien : «Le nouveau Groupe de Shanghaï pourrait bien émerger comme une force puissante contre linfluence des Etats-Unis dans la région. Daprès lagence russe Interfax, lInde et le Pakistan seraient intéressées à rejoindre cette organisation.» Insupportable pour les Etats-Unis, qui nont jamais admis, nulle part dans le monde, que sinstaure un marché commun qui ne leur soit pas soumis. Un autre stratège majeur, Henry Kissinger expose la stratégie US : «Il existe des tendances, soutenues par la Chine et le Japon, à créer une zone de libre échange en Asie. Une nouvelle crise financière dimportance en Asie ou dans les démocraties industrielles accélerait certainement les efforts des pays asiatiques pour mieux contrôler leurs destinées économiques et politiques. Un bloc asiatique hostile combinant les nations les plus peuplées du monde avec de grandes ressources et certains des pays industriels les plus importants serait incompatible avec lintérêt national américain.
Pour ces raisons, lAmérique doit maintenir une présence en Asie, et son objectif géopolitique doit être dempêcher la transformation de lAsie en un bloc hostile (ce qui surviendrait très probablement sous la tutelle dune de ses grandes puissances.» Bref, diviser pour régner. Car, dans la bouche de Kissinger, le mot "hostile" signifie: non soumis aux intérêts des multinationales US. Ainsi, ce nest nullement un hasard si les Etats-Unis interviennent en Afghanistan. Ils ont décidé dutiliser ce pays, situé en plein coeur de lAsie comme base pour de futures actions contre la Russie, lIran ou la Chine voisines. Washington est intéressée par lancienne base soviétique de Bagram en Afghanistan, mais cest plus facile - a déjà converti lOuzbekistan en base militaire et veut prendre le contrôle des aéroports du Turkmenistan. But : chasser les troupes russes de la région. Vraiment très utile, cette guerre. Dautant que les Etats-Unis sattendent à des difficultés autour de leurs bases asiatiques actuelles : Corée, Taïwan, Japon. Linstallation des troupes US en Ouzbekistan a été présentée comme une mesure durgence décidée après les attentats. En réalité, cest déjà en 1999 que Washington y avait envoyé ses bérets verts, accueillant aussi de nombreux officiers dans les écoles militaires US. En 1999 aussi, ce pays avait été incorporé dans une alliance militaire antirusse, le GUAM :
Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Ouzbekistan et Moldavie. En fait, les Etats-Unis cherchent à établir, dans chaque région stratégique, un Etat qui sera en quelque sorte leur Israël, leur porte-avion. Après le Kosovo et la Grande Albanie, Azerbaïdjan et Ouzbekistan sont les élus.
Dans le Caucase, Azerbaïdjan et Géorgie se sont entièrement intégrées dans la stratégie US. Par contre, les républiques pétrolières dAsie centrale sont plus réticentes, pesant le pour et le contre dun rapprochement économique et politique avec la Chine et la Russie. Comment les faire basculer? Rappelons cette maxime de lancien ministre US James Baker : «Nous ne devons nous opposer à lintégrisme que dans la mesure de nos intérêts.»
Bientôt, si ces républiques pétrolières refusent de se soumettre, les Etats-Unis les déstabiliseront totalement en utilisant avec encore plus dintensité les milices islamistes basées en Afghanistan. Un scénario déjà expérimenté au Kosovo : cest juste à côté et avec laide de la base militaire US de Camp Bondsteel que les terroristes de lUCK ont attaqué le sud de la Serbie fin 2000 et la Macédoine au printemps 2001. Aujourdhui, tous les pays dAsie centrale sont plus ou moins engagés dans une guerre contre ces milices panislamistes. Dont la principale est le Mouvement islamique de lOuzbekistan, entraîné à Mazer-i-Sharif, qui abrite aussi les milices actives en Tchétchénie et dans le XingJiang chinois.
Grâce à la guerre contre lIrak, les Etats-Unis ont pu implanter des bases militaires dans le Golfe persique. Grâce à la guerre contre la Yougoslavie, ils se sont installés en Bosnie, au Kosovo et en Macédoine. Cette fois, ils espèrent sinstaller en Géorgie, Azerbaïdjan, Turkménistan et Ouzbekistan, tout en modernisant leur base turque dIncirlik et celle dArabie.
Sils parviennent à conquérir une position aussi avantageuse, ils seront plus proches militairement de lIran, du Pakistan et de la Chine et encercleront mieux encore la Russie. Excellent point de départ aussi pour de nouvelles aventures vers le sud : Océan Indien, Indochine.
Contrôler le pétrole de la Chine
Pourquoi Unocal et les autres firmes US associées dans son consortium sont-elles si intéressées à cette route aghane du pétrole, assez risquée tout de même? Le pétrole et le gaz dAsie centrale sont déjà exportés vers lEurope. Alors? Selon Bob Todor, vice-président dUnocal : «LEurope occidentale est un marché difficile, caractérisé par des prix élevés pour les produits pétroliers, une population vieillissante et une concurrence accrue de la part du gaz naturel. De plus, la région est soumise à une compétition féroce.»
Le marché asiatique intéresse donc davantage Unocal car, explique encore Todor, ce pipeline arriverait dans lOcéan Indien et serait bien plus proche des marchés-clés de lAsie: «Les géants pétroliers US pourraient vendre dans des marchés en forte expansion. Les profits annoncés sont largement plus élevés que ceux du marché européen. Mais la construction ne peut commencer que si un gouvernement internationalement reconnu est formé en Afghanistan.»
Unocal parle des profits quelle espère. Mais ladministration US pense aussi au chantage quelle pourrait exercer sur léconomie chinoise. Pour commencer à appliquer la stratégie définie par Brzezinski et Kissinger (voir plus haut), le pétrole est larme rêvée. Parce que le développement continu de lindustrie chinoise augmente très fort ses besoins en pétrole et en gaz. Une fois encore, qui contrôle production et transport de ces matières, contrôle aussi léconomie de tous les pays qui en dépendent.
Pékin a vu le danger. Fin août 2000, Xia Yishan, chercheur à lInstitut de Recherche des Affaires intenationales de Chine, écrit: «En raison dune croissance économique soutenue, notre pays a dû importer de grandes quantités de pétrole ces dernières années. Alors que nous comptons investir à lextérieur pour notre pétrole (...), le capital monopoliste international, avec laide de ses gouvernements, a mis la main sur les plus grands marchés de pétrole et de gaz dans le monde. Le capital monopoliste occidental lutte avec agressivité pour obtenir les ressources des pays de lex-URSS. A coup sûr, tous tenteront avec acharnement dempêcher des compagnies chinoises dobtenir ces ressources énergétiques. Nous devons formuler au plus vite notre propre stratégie : la production interne est la solution fondamentale.»
Et, après les attentats, la réaction de Pékin est immédiate. Dès le 21 septembre, Zhu Xingshan, sous-directeur de lInstitut de Recherche du Centre Economique de lEnergie, tire les leçons : «Nous avions envisagé dinstaller des pipelines pour augmenter notre approvisionnement à partir de lAsie centrale et de la Russie, et nous avions déjà des accords avec la Russie. Mais, suite aux attaques du 11 septembre, nous devons modifier cette stratégie. Les attaques ont objectivement fourni un prétexte aux Etats-Unis pour entrer en Asie centrale.» Et de plaider, également, pour létablissement rapide de réserves stratégiques, pour des recherches plus poussées sur la liquéfaction du charbon «travail négligé durant de longues années au vu des coûts élevés et des dommages à lenvironnement. Mais suite aux attaques du 11 septembre, nous devons changer notre façon de voir ces choses.»
Vraiment pressés de trouver Ben Laden?
Pourquoi le chef de létat-major britannique a-t-il déclaré, après deux semaines de bombardements, que ce conflit «pourrait durer 50 ans»! En fait, ils savaient depuis le début que cette guerre serait longue, mais ils ont dû attendre quelque peu avant de le dire. Limportant était de déclencher la guerre en manipulant lopinion et en forçant leurs alliés.
Très vite aussi, le ministre US Rumsfeld sest mis à dire que peut-être on ne trouverait pas Ben Laden. Pourquoi?
Parce que, si vous êtes une superpuissance et que vous tenez absolument à implanter vos bases militaires en un point stratégique où elles ne sont pas tellement désirées, vous devez bien cacher votre jeu. Créer dabord un problème en jetant de lhuile sur le feu. Et veiller à ce quil ne soit pas résolu de sitôt. Un précédent : les USA ont promis un Kosovo multiethnique et pacifié, mais en réalité ils ont armé et excité lUCK afin de déstabiliser la région pour longtemps. Grâce à quoi ils ont pu y installer leur plus grande base militaire créée à létranger depuis la guerre du Vietnam. Washington ne veut pas dune solution, elle veut seulement un problème. De longue durée.
Pour une superpuissance qui veut dominer et exploiter le monde, plonger délibérément les peuples dans la souffrance nest pas un problème moral. Juste un atout dans le grand jeu stratégique. La définition de la barbarie moderne, cest ça.
Objectif n° 3 : Préserver la domination US sur lArabie Saoudite
Si la guerre actuelle de Bush est une guerre dattaque pour conquérir la domination de lor noir en Asie centrale, elle est en même temps une guerre de défense pour sauver le régime saoudien, allié décisif au Moyen-Orient. En effet, Ben Laden est saoudien comme la majorité des auteurs présumés des attentats et aussi comme la majorité des soutiens financiers à son organisation Al Qaeda. Et en tête des grands reproches de Bush à Ben Laden, figure celui-ci : «Ils veulent renverser les gouvernements existants dans de nombreux pays arabes comme lEgypte, lArabie Saoudite et la Jordanie.»
Serait-ce une grande perte pour le peuple dArabie Saoudite si disparaissait ce régime corrompu et tyrannique, la dernière féodalité au monde? Il ne semble pas, même aux yeux du New York Times : «Jusquà présent, le flux de pétrole et dargent saoudien a fait taire toute critique américaine sérieuse à lencontre de la complète corruption de la famille royale, de son mépris de la démocratie et des répugnantes violations des droits de lhomme commises en son nom.» En fait, il semble que seuls les Etats-Unis y perdraient, toujours selon le même journal : «Depuis des décennies, les Etats-Unis et lArabie saoudite ont tiré profit de ce marché sans état dâmes au coeur de leur relation : lAmérique recevait le pétrole pour faire tourner son économie et lArabie Saoudite la protection de la puissance militaire américaine.»
Exact. En lan 2000, lArabie a vendu plus de soixante milliards de dollars de pétrole sur les marchés mondiaux. La moitié du total du Moyen-Orient. Lintérêt pour Washington, cest quau lieu de réinvestir ces pétrodollars sur place, de créer une industrie locale et un développement social, comme lIrak avait tenté de le faire, la dynastie saoudienne les dépense dans un luxe insensé, mais surtout à Wall Street et dans les bons du trésor américain. Epongeant ainsi une part du considérable déficit US. Le Koweït et les Emirats Arabes font pareil. En outre, contrôler les cheikhs et les émirs permet à Washington de maintenir le cours du pétrole libellé en dollars et non en euros.
Tout va bien, donc? Sauf que même une partie des riches dArabie contestent, reconnaît un autre grand éditorialiste US, William Pfaff : «LArabie Saoudite est aussi attaquée par les enfants de lélite saoudienne, tels Mr. bin Laden (...) ennemis déclarés à la fois de lAmérique et de leurs propres dirigeants quils affirment corrompus.» Largent des terroristes vient bien de là, confirme le New York Times : «Ils sont lélite de la société saoudienne, des hommes prospères et respectés avec des investissements qui couvrent le monde entier et une réputation de générosité. Mais le gouvernement US affirme à présent quun des plus importantes personnalités Yasi al-Qadi et beaucoup dautres citoyens saoudiens influents ont transféré des millions de dollars à Osama bin Laden.»
Quels intérêts économiques peuvent expliquer ce conflit? En fait, Ben Laden appartient à une riche famille daffaires. Est-ce une bourgeoisie nationale ou seulement une autre fraction de laristocratie féodale? En tout cas, il apparaît quelle entre à présent en contradiction avec la dynastie royale et avec les Etats-Unis. Parce que les 5.000 membres de lélite dynastique nont pas créé dindustrie et bloquent le développement économique du pays en se contentant de placer mille milliards de dollars dans les banques étrangères.
Ce nest dailleurs pas le seul endroit du tiers-monde où des classes dominantes, autrefois privilégiées par les USA, finissent par se heurter à leur spoliation sans limites. On la vu chez les tigres dAsie du Sud-Est, en Corée du Sud, en Malaysie.
Mais lArabie nest-elle pas un pays où tout le monde est riche et donc sans conflits de classes? En réalité, la forte baisse des prix du pétrole ces dernières années a entraîné celle des revenus des citoyens ordinaires. De 16.000 $ au début des années 80, le revenu annuel par tête est tombé aujourdhui à 7.000 $. Avec une polarisation croissante entre riches et pauvres, remarquée même par le Financial Times : «Les quartiers riches de Riyad, avec leurs luxueuses boutiques au style US, contrastent fortement avec la pauvreté du sud de la ville où certaines femmes mendient dans les rues.» 35% des hommes sont sans emploi. Et 95% des femmes. Il ny a guère dindustrie pour absorber cette armée de chômeurs en expansion.
Dans cette lutte pour le pouvoir, les divers clans saoudiens utilisent la religion comme instrument. Mais aussi le ressentiment provoqué dans la jeunesse par loppression de la Palestine et la présence des troupes US, considérés comme des occupants. 5.000 officiellement, mais cinq fois plus selon dautres sources. Cibles, déjà, de plusieurs attentats. Dont celui de 1996 près de Dahran (19 soldats US tués). La majorité de la population saoudienne souhaite voir diminuer lemprise US sur le pays. Ben Laden fournit une expression à ce courant, renforcé encore après le 11 septembre.
Revenons à la question clé : où faut-il placer les pétrodollars? Les pays arabes doivent-ils rester de simples pions US ou rechercher leur propre développement? Cest exactement la même contradiction quavait soulevée Saddam Hussein en février 1990. Parlant devant les chefs dEtat du Conseil de Coopération Arabe (Irak, Arabie Saoudite, Egypte et Jordanie), il avait demandé le retrait des troupes US de la région : «Si les peuples du Golfe, avec tous les Arabes, ny veillent pas, la région du Golfe Arabe sera gouvernée par les Etats-Unis.» Et il proposait des accords régionaux de coopération économique.
Le crime majeur! Proposer que les peuples dune région et quelle région! sorganisent en fonction de leurs intérêts propres et non de ceux des multinationales US! Cest cela évidemment qui a provoqué la terrible punition infligée à lIrak. Washington a voulu infliger un exemple de destruction totale pour intimider à jamais toute bourgeoisie arabe tentée de suivre une voie indépendante.
Mais Washington risque-t-elle réellement de perdre sa position dominante en Arabie Saoudite? Oui, répond un expert de lAdvanced Strategic and Political Studies de Washington : «En 1995, lArabie Saoudite a failli basculer dans la guerre civile, en raison dune lutte interne de pouvoir qui ne fut guère remarquée en Occident entre le prince royal Abdullah et son rival et beau-frère, le prince Sultan. Celui-ci pria lautorité religieuse suprême, lUlema, de soutenir ses aspirations au trône. Mais lUlema refusa. Abdullah consolida alors sa position en demandant à la garde nationale bédouine dengager de très spectaculaires manoeuvres militaires.»
Le conflit nest pas terminé : «Plus longtemps Ben Laden parviendra à échapper aux bombes américaines, plus il stimulera lesprit de résistance parmi ses partisans saoudiens. Dans cette situation, le prince héritier Abdullah pourrait bien rechercher labdication du roi Fahd. Lui et la famille royale auront alors un choix difficile : affronter Ben Laden ou conclure un grand compromis. Il pourrait décider de mener les troupes bédouines de la Garde Nationale saoudienne dans une grande bataille contre les supporters de Ben Laden. Une grande bataille inter-wahabbite sans précédent, pratiquement une guerre civile. Ou bien il pourrait inviter lAmérique à retirer ses forces du pays. Un tel compromis réduirait fort linfluence des membres de la famille royale considérés comme les alliés de lOuest.»
Dilemme pour Washington aussi. Ce nest certainement pas pour rien que Bush a fait arrêter des enquêtes du FBI qui menaient vers certains soutiens saoudiens de Ben Laden.
En fait, cest dans lensemble du Moyen-Orient que Washington se trouve face à une forte contradiction : il ne veut et ne peut renoncer ni à Israël, ni à lArabie Saoudite. Le premier est son pion militaire majeur; en fait, cest tout simplement une extension de larmée US. Mais Israël ne peut se maintenir quen opprimant les Palestiniens et en menaçant ses voisins. Dautre part, lArabie Saoudite est son pion économique majeur pour conserver les revenus du pétrole dans ses propres caisses. Or les dirigeants saoudiens, comme les autres dirigeants arabes sont confrontés à la pression de la lutte du peuple palestinien. La seule véritable lutte de masse, la seule qui exclue tout compromis pourri dont sont friands les classes privilégiées, arabes et autres.
LIntifada est le cauchemar de Washington. Et lespoir de tous les peuples.
Objectif n° 4 : Militariser léconomie comme solution à la crise
En dépit de certaines circonstances favorables, les crises conjoncturelles du capitalisme occidental se succèdent à intervalles de plus en plus rapprochés. En outre, plusieurs régions dites prometteuses se sont effondrées lune après lautre : les tigres asiatiques, la Russie, lAmérique latine. A chaque fois, les analystes financiers ont craint que Wall Street et tout le système mondial soient entraînés dans une récession catastrophique. Beaucoup nexcluant pas une réédition du krach de 1929 et considérant avec crainte le ralentissement de léconomie, entamé fin 2000.
De toute façon, même sil échappe au krach pour cette fois, le capitalisme occidental ne fait que retarder son problème. Puisquil reporte toujours davantage le poids de la crise sur le tiers monde et sur les pauvres. Mais cette solution crée un problème plus grand encore : comment les multinationales pourront-elles vendre à ceux quelles ont appauvris? Cela sappelle scier la branche sur laquelle on est assis.
Le fossé riches pauvres nest pas seulement une injustice immorale; il est aussi un problème économique insoluble pour le capitalisme. Dun côté, existent des capacités de production sans précédent et sans cesse croissantes; de lautre côté, un écart toujours plus grand entre ceux qui produisent et ceux qui devraient consommer. Neuf personnes sur dix sont aujourdhui dans le besoin, et les programmes de la Banque Mondiale ou du FMI ne cessent daggraver cela. Ce nest pas ainsi quon fabrique des clients qui feront tourner léconomie globale.
Avant même les attentats, léconomie US (le modèle à ce quil paraissait) venait de perdre un million demplois en un an. Et les entreprises technologiques (lavenir de la Bourse, nous avait-on dit) étaient en chute libre.
Comment les relancer? Pour les dirigeants US, il ny a pas trente-six moyens. Gonfler le carnet des commandes militaires est la méthode qui a été employée à chaque fois que léconomie US était menacée de récession et quil fallait sortir de la crise.
A lépoque de la guerre du Vietnam, quinze économistes US réputés écrivaient : «Il est impossible dimaginer pour léconomie un substitut à la guerre. Aucune technique (nest) comparable en terme defficacité pour maintenir un contrôle sur lemploi, la production et la consommation. La guerre était et reste de très loin un élément essentiel à la stabilité des sociétés modernes. (Le secteur militaire) constitue le seul secteur dimportance de léconomie globale assujetti à un contrôle complet et discrétionnaire des autorités gouvernementales. La guerre, et la guerre seule, est capable de résoudre le problème des stocks.»
La paix est donc lennemi. A la fin de son mandat, Clinton avait appelé à augmenter de 70% en six ans le budget militaire US bien quil dépasse déjà, à lui tout seul, celui de toutes les autres grandes puissances militaires réunies. Bush a continué dans la voie ainsi tracée avec le National Missile Defence (NMD), le super-bombardier JSF et dautres programmes militaires.
Cette militarisation de léconomie poursuit deux objectifs. Premièrement, puisquil y a défaillance de la consommation privée comme moteur de léconomie, la remplacer par dénormes programmes de commandes publiques darmements. Il faut savoir que le complexe militaro-industriel, comme on dit, ne se limite nullement aux seuls marchands de canons au sens traditionnel, mais englobe également les multinationales classiques: Ford, General Motors, Motorola, les sociétés technologiques. Deuxièmement, utiliser davantage encore la force militaire pour accaparer les richesses de la planète. Au détriment certes des peuples du tiers monde, mais aussi au détriment de ce que Washington appelle ses amis et qui sont en réalité ses rivaux dans le partage du monde.
Le bouclier anti-missiles (NMD) en est lexemple parfait. Dabord, ce nest pas un bouclier, mais bien une arme offensive. Elle permettra aux Etats-Unis dattaquer tous les pays quil leur plaira sans craindre de riposte. Ensuite, il garantit une manne de bénéfices plantureux pour le complexe militaro-industriel.
Enfin, le NMD permet aux Etats-Unis, en relançant la course aux armements, de creuser un écart plus grand encore et daffaiblir leurs rivaux militaires potentiels: Europe, Russie, Chine. Déjà, lUnion Européenne a décidé demboîter le pas en créant une industrie militaire unifiée et en augmentant les budgets en vue de lEuro-Armée.
Objectif n° 5 : Briser la résistance du tiers monde et la lutte anti-mondialisation
Partout, croît la résistance à la mondialisation impérialiste. Parmi les peuples du tiers monde, mais aussi dans les pays riches.
Le tiers monde dabord. Des pays très divers, mais qui ont en commun de refuser de se mettre à genoux. Cuba défend son socialisme. LIrak résiste toujours, malgré dix ans dembargo et de bombardements. Le nouveau Congo tente de préserver son indépendance. Les Coréens, des deux côtés, aspirent à la réunification et à la paix. Et des mouvements révolutionnaires progressent à nouveau, inspirés par un projet de société alternatif : Colombie, Népal, Inde, Philippines, Mexique.
Le Nord de lAmérique latine inquiète particulièrement Washington qui craint de voir sy former un triangle progressiste : Colombie, Venezuela, Equateur. Ce triangle sortirait Cuba de son isolement et bouleverserait le rapport de forces dans tout le continent. Offrant un appui et de nouvelles perspectives aux luttes populaires du Brésil et dArgentine.
Dans ce monde de guerres et de révoltes, lIntifada a constitué un facteur très important. Si lOtan a réussi à infliger une défaite aux Serbes, les Palestiniens ont montré, eux, quun peuple finit toujours par se relever. Que les oppressions les plus fortes ou les trahisons les plus pernicieuses ne peuvent venir à bout de lesprit de résistance. Là où il y a oppression, il y aura toujours résistance. La deuxième Intifada a fortement renforcé la colère des masses arabes et musulmanes.
Dans les pays industrialisés, aussi, la résistance vient de connaître un développement très important. Avec Seattle et Gênes, une nouvelle génération sest lancée dans la lutte. Jeune, combative, inventive. Alors que la gauche traditionnelle et le mouvement ouvrier sétaient laissés endormir par les promesses dun monde meilleur à condition de ne pas combattre le système, voici le réveil. Un mouvement de masse : des jeunes surtout, implantés dans de nombreux pays et avec un début de coordination, ne tolèrent plus linjustice, le pillage du tiers monde, la destruction de la planète, ils proclament «quun autre monde est possible» et se battent pour le préparer tout de suite, en inventant leurs propres modes de lutte.
La génération Internet. Une arme nouvelle et formidable qui permet à des millions de jeunes de sinformer et dinformer en dehors des médias dominants. «Dont hate the media. Be the media.» (Ne haïssez pas les médias. Soyez les médias), propose la nouvelle agence Indymedia, qui fut à la pointe de cette info alternative à Gênes et, à cause de son succès, la cible des matraques de Berlusconi. Après IndyMedia Belgique, des sections se sont créées ou se préparent dans les autres pays européens.
Grâce à Internet, les cyber-activistes ont réussi de spectaculaires mobilisations internationales, mettant en difficulté la Banque Mondiale, lOMC et autres FMI, habitués à régler le sort des peuples hors la présence de ceux-ci. Le huis clos a vécu. Le débat sur lavenir de la planète est devenuS global. Et quand on lit les documents de la Banque mondiale ou des services policiers US, on mesure combien ils craignent ce nouveau mouvement et son efficacité Internet.
Bien sûr, ce mouvement est très divers, ce qui en fait dailleurs la richesse et lampleur. Bien sûr, les gouvernants occidentaux tentent déjà de le récupérer en lui proposant, après les matraques, le dialogue. Tentant de les persuader quil ne faut pas dénoncer le système actuel mais seulement lui ajouter quelques touches plus humaines et plus participatives.
Et, bien sûr, ce mouvement aura à résoudre plusieurs questions délicates. Comment réussir la jonction avec le mouvement ouvrier, avec ces luttes actuelles des travailleurs, victimes un peu partout en Europe de la même logique? Comment surmonter le barrage que posent encore des dirigeants syndicaux généralement crispés à légard de ces jeunes et de toute remise en cause trop sérieuse de lEurope des multinationales? Comment élargir le mouvement antimondialisation en un mouvement anti-guerre, ce quont déjà réussi les jeunes Grecs et les jeunes Italiens (150.000 manifestants anti-guerre en Italie en octobre 2001), mais qui prend davantage de temps en France et dans dautres pays européens? Enfin, comment définir plus clairement cet autre monde auquel ils aspirent, en tirant les leçons des sociétés socialistes, mais de façon objective et sans se laisser impressionner par les bilans déformés quon en dresse, non sans arrière-pensée?
Lavenir du mouvement dépendra des réponses à ces questions. Et de celle-ci, tout dabord : participer au système ou le contester radicalement? Les chants de sirènes ne manquent pas. Face à la contestation et à sa popularité, les dirigeants du capitalisme occidental ne cessent de répéter quils ont compris le message et vont en tenir compte. Mais dans la réalité, cest linverse qui se produit. Alors que la privatisation tous azimuts et la destruction des protections étatiques se sont avérées catastrophiques pour les pays du tiers monde, à chaque négociation, les pays riches essaient dimposer le même remède quavant.
100 des 142 pays membres de lOMC ont affirmé que les accords déjà réalisés (commerce, propriété intellectuelle, services, etc) sont déséquilibrés et favorables aux pays riches. Malgré cela, dirigeants et médias occidentaux ne cessent de répéter quil faut poursuivre dans la même direction et généraliser à dautres matières. Que le salut viendra de louverture totale du marché.
En réalité, ce remède est un poison, explique Raoul Jennar, analyste de lONG Oxfam : «Permettre aux investisseurs et en particulier aux sociétés transnationales de se comporter partout comme bon leur semble, mettre les entreprises nationales en concurrence avec les firmes transationales, imposer aux pays du Sud des contraintes en matière denvironnement alors que les gros pollueurs sont au Nord, telles sont quelques uns des intentions de lUnion européenne. Le colonialisme historique a trouvé de nouveaux instruments pour se perpétuer.» La nécessité de former un front international Mais, dores et déjà, la naissance de ce mouvement antimondialisation est un événement dune importance historique, dépassant probablement celle de Mai 68. Aujourdhui, il devient possible de créer un front international contre linjustice et contre la guerre. Réunissant le Nord et le Sud, le combat du tiers monde et celui des progressistes des pays riches.
Contre la guerre du Vietnam, un tel front avait permis de faire reculer la plus puissante armée du monde et darrêter ses crimes. Aujourdhui, cest plus nécessaire encore. Car trois tâches urgentes simposent à la gauche mondiale et il faut absolument les entreprendre en unissant toutes les forces :
1. Arrêter les nombreuses guerres en préparation.
2. Empêcher la criminalisation des mouvements de libération du tiers monde.
3. Empêcher de même la criminalisation du mouvement antimondialisation dans les pays du Nord.
Examinons brièvement ces trois menaces.
1. Une guerre sans limites
La guerre déclenchée en octobre 2001 sera très longue. Elle ne sachèvera pas avec un changement de pouvoir à Kaboul, ni même, sils y arrivent durablement, par une occupation transformant lAfghanistan en un protectorat US ou international.
Peu après le 11 septembre, le vice-ministre US de lArmée Wolfowitz avait réclamé quon frappe non seulement lAfghanistan, mais aussi les «bases terroristes en Irak et dans la vallée de la Bekaa au Liban». Parlant même de «terminer (sic) les Etats qui soutiennent le terrorisme». La liste de ces Etats à terminer comprend lAfghanistan, mais aussi lIrak, le Soudan et même la Syrie ou la Corée du Nord.
Plus tactique, le ministre des Affaires étrangères Colin Powell a fait comprendre que les Etats-Unis narriveraient à rien en attaquant de tous les côtés à la fois. Quil fallait construire un front contre le terrorisme le plus large possible, essayant dy inclure les pays arabes, la Russie, voire la Chine. Powell pensait que ce front serait rendu impossible par une attaque rapide contre lIrak (que soutiennent la majorité des Arabes). Les Européens se sont rangés à la ligne Powell. Les pays - cibles seront donc attaqués un par un.
Combien de temps cela durera-t-il? Le vice-président US Cheney parle dune guerre «qui durera plus longtemps que nos vies». Le chef détat-major adjoint affirme que les Etats-Unis nont pas planifié des opérations militaires dune telle ampleur depuis la Seconde Guerre mondiale.
Marketing oblige, les dirigeants des Etats-Unis avaient dabord baptisé leur guerre du beau nom de Justice sans limites. Ils ont dû très vite retirer le premier mot. Mais les deux autres sont parfaitement adaptés : nous sommes entrés en effet dans une guerre sans limites. La guerre globale.
Et cest bien une guerre pour imposer la mondialisation. En 2000, le président de la société française darmements Aerospatiale avait annoncé, à la recherche de commandes bien sûr : «Il faudrait être aveugle pour ne pas voir les prémices dune guerre froide étendue à léchelle de la planète. Il est clair que la mondialisation nest pas seulement celle de léconomie.»
Guerre froide? Un euphémisme. Les victimes qui sont au Sud, il est vrai ne la trouvent pas si froide. Et il y en aura de plus en plus. Lorsquil déclencha les bombardements sur lIrak en 1991, le père Bush avait solennellement promis que cette dernière guerre permettrait dinaugurer un Nouvel ordre mondial de justice et de paix. Depuis, il ny a jamais eu autant de guerres : Bosnie, Somalie, Yougoslavie, Macédoine, Caucase, Congo, Colombie, Afghanistan et dautres. Et Bush II fait tout pour accélérer encore ce rythme infernal.
2. La deuxième tâche du front international pour la paix, cest dempêcher la criminalisation des mouvements de libération du tiers monde.
LUnion Européenne a accepté lexigence de Bush : tous les pays alliés aux USA devront sur leur propre territoire dresser la liste des organisations terroristes, interdire tout soutien à ces organisations, renforcer lappareil policier et judiciaire par des mesures plus répressives comme la détention préventive sans limites dans le temps.
Aujourdhui, ces mesures concernent surtout les organisations intégristes. Mais, au gré des priorités américaines, nous pouvons déjà affirmer que demain le Front Populaire de Libération de la Palestine, le FARC colombien ou la Nouvelle Armée Populaire des Philippines seront sur la liste.
Le 13 novembre 2001, le gouvernement britannique a présenté un projet dit antiterroriste qui contredit explicitement larticle 5 de la Convention européenne des Droits de lHomme. Toute personne non seulement accusée mais simplement soupçonnée dactivités terroristes pourra être détenue pour une durée illimitée sans procès, ni inculpation.
Le même jour, Bush signait un ordre militaire permettant «le jugement de terroristes présumés, de nationalité étrangère, par une cour militaire spéciale et non des juridictions civiles.» Les sources de laccusation pourront rester secrètes, les accusés ne disposeront daucun recours et, comme lécrit, le New York Times, «les droits de la défense seront sévèrement limités.»
Dun côté, les Etats-Unis sopposent farouchement à la création de tout tribunal international qui pourrait juger leurs crimes de guerre. De lautre côté, ils se préparent à juger eux-mêmes, dans larbitraire, ceux qui osent tenter de libérer leurs peuples. Et qui seront évidemment baptisés terroristes après une campagne de démonisation médiatique.
3. Mais les attentats ont aussi fourni un prétexte idéal pour criminaliser le mouvement antimondialisation.
Et même toute opposition politique ou populaire dans les pays occidentaux. A Gênes, cela navait pas du tout marché. Les matraques de Berlusconi navaient réussi, selon plusieurs sondages européens, quà rendre le mouvement antimondialisation bien plus sympathique que le G-8 et les organes dirigeants du capitalisme international.
A présent, les circonstances sont bien plus favorables. Et tout dun coup, lEurope voit des terroristes partout. Le 21 septembre 2001, le Conseil européen a décidé que tous les États mettraient immédiatement et systématiquement leurs données sur le terrorisme à la disposition d'Europol. Celui-ci pourra dorénavant effectuer des enquêtes sur tout le territoire de lUnion et même y contraindre certains Etats.
Le mot terrorisme recevant une signification très large, nous allons connaître bientôt une centralisation sans précédent de l'information sur l'opposition politique dans l'Union européenne Et ces données, que personne ne contrôle, devront transmises aux États-Unis.
Le 30 septembre, la Commission européenne a adopté une proposition de lutte contre le terrorisme. Sa définition montre quelle voit bien plus loin que les attentats perpétrés aux USA : «Les actions terroristes minent les lois et règlements et les principes fondamentaux sur lesquels reposent les traditions constitutionnelles et la démocratie des États membres de l'Union. Elles sont commises contre un ou plusieurs États, leurs institutions ou leur population dans l'intention de les intimider et de modifier ou de détruire les structures politiques, économiques et sociales de ces pays.»
Parle-t-on ici seulement de meurtres, kidnappings ou utilisation d'armes? Non. Deviennent aussi actes terroristes, sils sont commis pour un des buts ci-dessus : «la prise de possession ou la destruction de propriétés d'État, de moyens de transport public, de lieux publics ou le blocage de besoins de base comme l'électricité ou la mise en danger de personnes, de biens, d'animaux ou de l'environnement». L'Union européenne admet elle-même que la violence de rue à caractère politique tombe sous le coup de sa définition.
José Bové pourra donc être étiqueté terroriste. Comme tout militant syndical ou antimondialisation en Europe sil recourt à une des formes traditionnelles daction de rue. En fait, cette définition du crime politique vise un large éventail d'oppositions au capitalisme.
La mobilisation par Internet du mouvement est également entravée : Les «attaques par le moyen de systèmes informatiques» constituent aussi un délit terroriste s'ils tombent sous le concept politique de terrorisme esquissé ci-dessus. Les multinationales européennes sont-elles une force de paix? Avant de conclure, il faut encore examiner une question souvent posée dans les débats : lEurope ne serait-elle pas plus sage et moins guerrière que le cow boy US? Ne faudrait-il pas soutenir lEuro-Armée pour lui faire accomplir des missions de paix? Le Figaro a-t-il raison décrire que «les Quinze divergent sensiblement des Américains dans leur rapport au monde. Washington tend à gérer la planète de façon technico-militaire, les Européens essayent de développer une approche globale de la sécurité où le militaire nest quun moyen parmi dautres de la gestion politique des conflits.»?
En réalité, ces deux lignes tactiques existent aussi aux Etats-Unis, nous lavons vu. Mais leurs buts sont les mêmes, et cest pourquoi les dirigeants européens nont aucunement démasqué les véritables objectifs fondamentaux de Bush contre le tiers monde. Chris Patten, commissaire européen aux Affaires étrangères, se montrant entièrement daccord avec la stratégie Powell, a demandé un «leadership extrême pour contraindre la communauté internationale à simpliquer très fortement dans ce combat... Il faudra convaincre les pays réticents» En gros, lUnion européenne sest alignée derrière le leadership US. Dès le 12 septembre, elle acceptait dailleurs de se référer à larticle 5 du Traité de lOtan qui oblige à soutenir militairement les Etats-Unis.
Pour autant, tout est-il rose dans ce ménage? Au moment de lancer les bombardements contre lAfghanistan, George Bush a associé les fidèles amis britanniques, a prévenu Chirac et Schröder, mais pas le président en exercice de lUnion européenne, le Belge Verhofstadt. Celui-ci na pas pour autant hésité à «accorder son entière solidarité aux Etats-Unis et à tous les autres pays engagés. Mais il a été montré clairement que ni les petits pays de lOtan, ni lUnion européenne ne sont des partenaires fiables aux yeux de Washington qui tente de la diviser.
Depuis le début de la crise, lU. E. donnait limpression de mener une politique plus raisonnable que les faucons américains. Notamment en la personne du ministre belge des Affaires étrangères Louis Michel, qui disait peu après les attentats : «Nous ne sommes pas en guerre.»
USA et U.E. sont-ils donc à la fois unis et divisés? Oui. Les gouvernements US et européens restent unis dans leur volonté de faire porter le poids de la crise par les peuples du tiers monde: bas prix pour les matières premières, destruction des productions locales et des services à la population afin de favoriser la pénétration des multinationales, chantage dune dette injuste. USA et U. E. sont également unis pour combattre les forces progressistes qui contestent cette liberté des multinationales.
Mais derrière cette façade dunité, la crise des débouchés les oblige à mener une bataille sournoise pour rafler les meilleurs marchés dans lintérêt de leurs propres multinationales. Et cest là que lEurope entend jouer la carte de sa modération apparente.
Depuis quelques années, la colère et la révolte se focalisent sur les dirigeants américains. Loccupation israélienne a coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens. Chaque Arabe sait que sans les milliards de dollars versés chaque année à Israël, sans le torpillage par Washington des résolutions votées à lONU en faveur des Palestiniens, le problème serait résolu depuis longtemps.
LUnion Européenne voit dans cette situation une chance de se présenter comme une alternative à limpérialisme américain. Elle prononce quelques paroles en faveur de lapplication des accords dOslo, se présente comme le défenseur des Palestiniens tandis que les multinationales européennes se bousculent pour rafler les commandes lors de la reconstruction de lIrak.
En profilant lEurope comme la force qui freine le faucon américain, on espère gagner la confiance des régimes qui se détournent de Washington. Au fond, cest du marketing politique au profit de Mercedes, Siemens et autres TotalFinaS En attendant lEuro-armée.
Sur le long terme, cette nouvelle guerre annonce donc une aggravation de la rivalité entre USA et Europe. Dun côté, les stratèges américains y voient loccasion de reprendre la direction du monde capitaliste. Selon Zoellick, ministre du commerce US, «la riposte doit faire avancer le rôle dirigeant des Etats-Unis sur les fronts politique, militaire et économique». De lautre côté, de nombreux dirigeants européens y voient une opportunité de modifier le rapport de force à leur avantage. Bref, dans le ménage, les coups fourrés devraient augmenter.
Le problème de l'Union européenne, cest quelle ne dispose pas encore des moyens militaires de ses ambitions. Et que les Etats-Unis font tout pour len empêcher. Depuis longtemps.
En 1992, Wolfowitz, qui nétait alors quun conseiller du Pentagone, avait appelé à «tout faire pour empêcher lémergence dun système de sécurité exclusivement européen» LEurope se lançant quand même sur cette voie, son collègue Scowcroft avait écrit au chancelier allemand Kohl pour critiquer son «ingratitude en dépit du soutien US à la réunification» Et le président Bush lui-même avait adressé une menace en termes subtils mais clairs: «Notre point de départ est que le rôle américain dans la défense et les affaires de lEurope ne sera pas rendu superflu par lUnion européenne. Si ce point de départ est faux, si, mes chers amis, votre but ultime est dassurer vous-mêmes votre défense, alors le moment de le dire, cest aujourdhui.» Depuis dix ans, à travers toutes les guerres dites humanitaires Washington continue à saboter lémergence dune force militaire européenne autonome, indépendante de lOtan. Mais après chaque guerre, les Européens prennent des mesures. Il était prévu quen 2003, lEuro-Armée disposerait de ses soixante mille hommes. Mais, après le 11 septembre, les ministres de lU.E. ont décidé daccélérer cette mise en place. Appelant à un effort financier en matière de budgets militaires. Le social paiera. La mission de Javier Solana, cest dunifier les armées européennes ainsi que lindustrie de larmement (sous la direction de lAllemand Dasa et du français Matra). Et pour renforcer cette industrie, dimposer de grosses commandes de matériel unifié.
LAllemagne entend diriger cette Euro-Armée. Et, à chaque conflit, elle avance ses pions un peu plus pour se faire accepter comme puissance militaire. Le chancelier Schröder a déclaré : «Le temps où l'Allemagne ne pouvait contribuer que financièrement aux campagnes militaires internationales est définitivement révolu. Le statut de l'Allemagne en tant que grande puissance économique l'oblige à prendre également des risques militaires. Un pays ne compte réellement sur le plan international que s'il est également préparé à faire la guerre»
L U.E. nest donc pas une force de paix, comme elle aime à se présenter, mais veut seulement devenir «calife à la place du calife». Cest-à-dire superpuissance dominante. Lutter pour la paix signifie donc sopposer à la participation européenne à la guerre en Asie Centrale et ailleurs. Et lutter contre l'augmentation des dépenses militaires européennes, contre l'Euro-armée, contre lEuro-chauvinisme. Quel avenir? Pour le mouvement de la paix, lheure est plus que jamais à la mobilisation. Dabord, parce que la guerre nest pas terminée en Afghanistan. Il est plus facile à une puissance étrangère dentrer dans ce pays que den sortir. Et remettre au pouvoir des milices quon avait aidé à renverser et qui sont aussi criminelles que les talibans, cest tout sauf une solution. Tout groupe qui y sera placé au pouvoir apparaîtra comme traître à la solde des étrangers.
Même sils se partagent autrement les diverses vallées, les divers pillages et les divers trafics, ces seigneurs de guerre ne sauraient constituer une solution davenir. Ni apporter le bien-être et la paix au peuple afghan. Principalement, parce quils ne vivent que dêtre les agents, les relais des intérêts des puissances étrangères, Etats-Unis en tête. Ceux-ci ont aidé les talibans et autres milices intégristes à massacrer toute opposition progressiste dont la guérilla maoïste qui se battait contre lURSS.
En fait, on ne le dira jamais assez, les Etats-Unis ne sont pas la solution, ils sont le problème. Ce sont eux qui ont plongé le peuple afghan dans le malheur depuis plus de vingt ans et leurs intérêts nont pas changé. Seulement leurs tactiques.
La deuxième raison de mobiliser plus intensément encore, cest que lattaque contre lAfghanistan nest que la première dune série de guerres intéressées contre de nombreux pays. On a commencé par les moins populaires, les talibans, mais on ne va pas sarrêter là.
Le mouvement anti-guerre a aussi des motifs despérer. Dans chaque débat auquel nous participons, un constat nous frappe : de plus en plus de gens sont bien ont pris conscience quil ne sagit pas de guerres humanitaires, seulement de guerres dintérêts. On le voit certes plus clairement au sujet des Etats-Unis que de lEurope, mais cest un bon début.
La volonté de faire quelque chose est aussi bien plus grande, en comparaison avec le fatalisme qui a dominé pendant de longues années. Mais on ne voit pas bien encore comment agir. Doù la grande responsabilité du mouvement pour la paix.
Sorganiser à une échelle européenne et mondiale. Ne pas perdre son temps à essayer de convaincre des décideurs qui savent très bien ce quils font, mais plutôt sadresser à la base, à la masse des gens. Et les toucher par un langage simple et concret, liant la guerre à leurs préoccupations quotidiennes. Trouver les formes daction concrètes qui permettront délargir la mobilisation. Joindre lenthousiasme des jeunes à la transmission de lexpérience des générations précédentes. Utiliser mieux encore les possibilités dInternet et de la contre-information. Défendre le droit des peuples à disposer deux-mêmes, leur souveraineté face aux ingérences néocoloniales, même si elles sont habillées, comme toujours, de prétextes humanitaires. Aider concrètement à développer la coopération entre les peuples pour échapper à ce système étouffant dominé par les multinationales. Mener sérieusement le débat sur une société alternative. Dissoudre l'Otan, armée de la mondialisation, sans lui chercher des ersatz comme l'armée européenne. Combattre au contraire la militarisation de l'économie et lutter pour que celle-ci soit au service des gens.
Résoudre ces problèmes est la responsabilité de chacun dentre nous.
Ce texte fait partie dun livre collectif à paraître bientôt : LEmpire en guerre Le monde après le 11 septembre, Coédition Temps des Cerises EPO, Paris Bruxelles. Info: le-temps-des-cerises@wanadoo.fr ou editions@epo.be Infos sur lédition en espagnol: hiru@clientes.euskaltel.es Infos sur lédition russe : pierro@online.ru Dautres langues sont envisagées. Les propositions peuvent être adressées à lauteur. Les commentaires sur ce texte, les critiques ou les propositions peuvent être adressées via léditeur ou à : michel.collon@skynet.be
-- Michel Collon - Belgium michel.collon@skynet.be