Lettre soumise à titre personnel, le 27 avril 2010

Chers membres du Comité permanent de la santé,

Je ne voudrais pas me trouver à votre place en ce moment alors que vous devez évaluer les risques potentiels d’une technologie qui est maintenant tellement intégrée dans la vie des gens qu’il est difficile de croire qu’elle puisse représenter un risque réel, du moins si l’on n’a pas encore subi personnellement les conséquences de son usage ou eu connaissance de cas où cette technologie a apparemment eu un impact négatif direct et mesurable sur la santé humaine.

Alors que pour la première fois des élu-e-s vont se donner la peine d’examiner les pours et les contres de la téléphonie cellulaire et de toutes les autres transmissions sans fil désormais omniprésentes dans notre environnement de tous les jours, quelques questions centrales devraient selon moi demeurer à l’avant-plan de vos préoccupations tout au long des travaux de votre comité relativement à l’impact des micro-ondes sur la santé humaine.

La première chose à constater, selon moi, est l’origine même de l’étude actuelle par votre comité de toute cette question. Elle résulte avant tout du dévouement de quelques personnes qui n’ont pour seule motivation que le bien de leurs proches et le désir de protéger la population canadienne d’un danger qu’elles estiment être gravement négligé par les autorités réglementaires canadiennes. Ainsi, je crois savoir que la tenue de ces audiences est en bonne partie due aux efforts déployés par M. François Therrien, un enseignant en électricité qui, réalisant que des enfants de son village étaient exposés à leur école aux ondes émises par une tour de téléphonie cellulaire installée dans le clocher de l’église voisine a compris qu’il était de son devoir de tout mettre en œuvre pour faire disparaître, ou du moins grandement atténuer cette source de pollution électromagnétique. C’est notamment ce qui l’a poussé à fonder le S.E.M.O., il y a près de 2 ans, et ce qui l’a ensuite amené à entreprendre les démarches qui ont abouti à ces travaux.

Je ne connais pas l’histoire personnelle des autres personnes qui ont soumis un mémoire ou une lettre, ou qui témoigneront devant cette commission, mais je ne serais nullement surpris d’apprendre que ce sont, dans chaque cas, des motifs personnels altruistes qui les ont incitées à prendre position sur cette question, ou encore parce qu’elles ont été témoins des méfaits divers engendrés par l’intense pollution électromagnétique émanant des radiations de toute nature émises entre autres par la téléphonie cellulaire, des ondes auxquelles la majeure partie de la population canadienne est aujourd’hui exposée. Le caractère foncièrement désintéressé des intervenants qui s’exprimeront contre le laissez-faire actuel et les normes désuètes d’Industrie Canada en la matière est selon moi un facteur à considérer tout au long de votre examen et de vos délibérations sur tout cette question.

D’autre part, je ne peux m’empêcher de souligner ici le fait que probablement aucun des intervenants qui exprimeront leur opposition contre ceux et celles qui vous demanderont d’appliquer le principe de précaution, ne se prononcera en faveur d’une réglementation plus stricte qui irait à l’encontre des intérêts des compagnies qui engrangent chaque année des centaines de millions de dollars de profit, et dont, dans bien des cas, ils retirent peut-être, directement ou indirectement, des bénéfices pécuniaires personnels.

Dans ce combat comparable à celui de David contre Goliath, j’ose espérer que vous saurez vous montrer impartial et accorderez au moins autant de crédit aux témoignages des personnes qui n’ont personnellement rien à gagner à s’exprimer sur cette question qu’aux dires de celles qui ont tout à gagner à défendre le statu quo dont bénéficient les intérêts qu’elles représentent.

La seconde chose à réaliser, à mon humble avis, c’est que malgré les appels urgents et, selon moi, scientifiquement fondés que vous entendrez en faveur d’une foule de mesures destinées à ramener un équilibre qui fait cruellement défaut dans l’environnement réglementaire dans lequel opèrent les compagnies de téléphonie cellulaire qui sont les principales visées par les appels à la prudence qui vous seront adressés – mais qui ne sont évidemment pas les seules sources de préoccupations en matière de pollution électromagnétique ambiante – il est clair selon moi qu’il n’est pas attendu de vous de recommander un rejet global des communications sans fil. Elles sont manifestement là pour rester. Toutefois, j’aimerais vous soumettre une analogie qui illustrera assez bien, je l’espère, sous quel angle considérer toute la question.

Comme chacun le sait, la conduite d’une voiture ne va pas sans son lot de risques souvent intangibles auxquels chacun s’expose chaque fois qu’il prend la route. Des centaines de milliers de personnes meurent ou sont gravement blessées chaque année dans des accidents de voiture à travers le monde, sans compter bien sûr toute la pollution et le gaspillage de ressources que l’usage généralisé de ce moyen de transport personnel entraîne. En dépit de ces contraintes sérieuses, personne ne songe sérieusement à vouloir bannir les automobiles en raison des services inestimables et essentiels qu’elles procurent. Ceci dit, les autorités gouvernementales et réglementaires ont eu tôt fait de réaliser qu’il était de leur devoir d’instaurer des limites et de rendre obligatoires toute une série de mesures destinées à réduire au minimum les nombreux dangers associés à la conduite automobile. On ne saurait décemment accepter de laisser des enfants n’ayant pas atteint l’âge légal requis prendre le volant d’une voiture. On juge totalement inacceptable de circuler en voiture sans être attaché avec une ceinture de sécurité. Des campagnes de sensibilitation choc sont diffusées dans les médias pour inciter les gens à ne pas conduire sous l’effet de l’alcool et à respecter les limites de vitesse. On interdit même désormais de tenir un téléphone cellulaire d’une main en conduisant de l’autre.

Ce qui nous amène à ce que cette analogie cherche à illustrer. Face aux données qui vous seront présentées par les experts invités quant à l’impact des micro-ondes sur la santé humaine et devant la démontration qui vous sera faite de l’urgence d’agir pour limiter cet impact, vous devrez déterminer si le temps est venu de commencer à mettre graduellement en place tout un train de mesures qui auront pour effet d’encadrer l’industrie de la téléphonie cellulaire, notamment quant aux normes sur l’intensité des émissions de micro-ondes auxquelles la population est exposée, tant en raison de l’utilisation personnelle volontaire et ponctuelle d’un téléphone cellulaire qu’en raison d’une exposition ininterrompue et involontaire aux radiations émises par les antennes de téléphonie cellulaire et par les émetteurs WiFi et WiMax (qualifié par beaucoup de WiFi sur les stéroïdes). Il serait grand temps de réglementer pour amener tout le monde à mettre la pédale douce en limitant l’intensité des radiations électromagnétiques émises dans l’environnement tant urbain que rural.

Vous devrez aussi évaluer la sagesse d’imiter les nombreux pays européens qui ont émis de sérieuses mises en garde contre l’utilisation d’un téléphone cellulaire par des enfants chez qui la faible épaisseur de la boîte crânienne permet une pénétration profonde et préoccupante des micro-ondes dans leur cerveau. On ne doit pas mettre de téléphones cellulaires entre les mains des enfants de moins de 16 ans tout comme on ne peut leur permettre de conduire une voiture.

Par ailleurs, le simple fait de forcer les fabriquants de téléphones cellulaires à doter leurs appareils d’un système d’alarme sonore continue avertissant l’usager qu’il a dépassé la dose cumulative journalière recommandée d’exposition aux micro-ondes (qui pourrait d’abord être fixée à une heure par période de 24 heures et à dix minutes consécutives), contribuerait à lui seul grandement à sensibiliser les gens aux risques qu’ils courent lorsqu’ils font un usage abusif de leur téléphone cellulaire. À titre d’exemple, un tel signal sonore est émis par toutes les voitures depuis des années pour inciter les passagers à attacher leur ceinture. De plus, un avertissement imprimé bien en évidence sur les emballages des téléphones cellulaires neufs pourrait également être exigé, tout comme celui imprimé sur les paquets de cigarette, afin de mettre les gens en garde contre les risques associés à un usage régulier et fréquent du cellulaire, en citant par exemple le risque accru de 40% de subir un cancer du cerveau au bout de 10 ans d’usage régulier tel que mis en lumière dans plusieurs études.1

De telles mesures, en plus de sensibiliser et de responsabiliser les gens, seraient de nature à encourager l’industrie de la téléphonie cellulaire à investir dans la recherche afin de mettre au point de nouvelles technologies de communication sans fil ayant beaucoup moins d’impact sur la santé humaine. Ces percées technologiques deviendraient un atout commercial non négligeable et pourrait ensuite graduellement remplacer la technologie actuelle dont la population aurait appris à se méfier.

On exige aujourd’hui de l’industrie automobile qu’elle offre aux consommateurs des véhicules ayant peu ou pas d’impact sur le réchauffement climatique. Quelqu’un pourrait-il me citer une bonne raison pour laquelle on ne devrait pas exiger de l’industrie de la téléphonie cellulaire qu’elle se conforme elle aussi à de nouvelles normes beaucoup plus sévères susceptibles de mieux protéger la santé de la population ? Bien sûr, à n’en pas douter, cette même industrie fera des pieds et des mains, et puisera sans compter dans sa fortune, pour s’opposer becs et ongles à toute entrave à ses profits faramineux. Pourtant, face à la responsabilité sans équivoque du gouvernement canadien de protéger avant tout la santé des Canadiennes et des Canadiens, il va de soi que de telles pressions ne doivent pas peser dans la balance lorsque le moment de décider viendra.

J’aimerais finalement plaider en faveur de personnes jusqu’ici cruellement négligées lorsqu’il est question d’évaluer les risques pour la santé de la pollution électromagnétique - aussi appelée électrosmog - que subit en silence une proportion grandissante de la population. Tout comme certaines personnes ont la peau plus sensible que la normale aux rayons du soleil et doivent prendre des précautions exceptionnelles pour s’en protéger et ainsi éviter d’avoir un jour un cancer de la peau, de même, de plus en plus d’individus subissent une foule de symptômes angoissants qui font de leur vie un véritable enfer, et ce, en raison de leur hypersensibilité aux ondes de la téléphonie cellulaire.

Cette électrosensibilité qui a officiellement été reconnue comme un handicap par le gouvernement suédois qui accorde de l’aide au 2,6% de Suédois-es qui en souffrent, a de plus été reconnue depuis 2006 comme un problème réel par le gouvernement britannique qui estime qu’environ 3% de la population en est atteint. Les symptômes divers et oppressants que ces personnes subissent lorsqu’elles sont exposées entre autres aux ondes de la téléphonie cellulaire méritent d’être considérés au même titre que les effets cancérigènes de la fumée secondaire de la cigarette, en ce sens que ces gens subissent contre leur gré les effets nuisibles d’une pratique sociale couramment acceptée, comme l’était le fait de fumer n’importe où en public il y a quelques années, sans pouvoir faire autre chose pour s’en prémunir que de s’éloigner le plus possible de toute source de radiation ou de se doter de coûteux systèmes de protection (filets, peintures protectrices, vêtements de protection, etc) pour s’y abriter.2

La moindre des choses à faire pour accorder à ces personnes la protection et le respect qui sont dûs à tout citoyen canadien, ce serait de financer des études afin de valider les données disponibles à ce sujet, comme on l’a fait dans le passé pour établir un lien entre le tabagisme et le cancer du poumon, et ensuite faire en sorte de fournir les moyens à ces gens de se protéger adéquatement contre les ondes nocives, notamment en créant des zones urbaines et rurales libres de toute pollution électromagnétique d’origine humaine. On devra aussi bien sûr faire en sorte de prendre les mesures préventives qui s’imposent pour éviter que ce fléau ne se généralise en mettant un frein dès maintenant – sur la base du plus élémentaire principe de précaution – à l’augmentation effrénée des sources d’ondes électromagnétiques, tout particulièrement dans les milieux urbains les plus denses, et en resserrant substantiellement les seuils autorisés d’intensité d’ondes présentes dans le milieu ambiant.

Non, je ne voudrais vraiment pas me retrouver à votre place. Sachant déjà trop bien, pour m’être depuis longtemps intéressé à la question, le degré intolérable de souffrance humaine des personnes subissant des symptômes liés à l’électrosensibilité, et la profonde tristesse consécutive au décès prématuré d’un être cher dans la fleur de l’âge en raison d’un cancer du cerveau causé par un usage régulier et prolongé du cellulaire, j’imagine sans peine le dilemme qui sera le vôtre lorsque viendra le temps de rédiger vos recommandations et de vous prononcer publiquement sur un sujet qui, à ce jour, est encore traité comme une question anodine qui ne fait l’objet que d’occasionnelles manchettes ou de reportages à sensation bien vite oubliés dans le brouhaha de la vie quotidienne.

Au fond, vos délibérations et les conclusions auxquelles vous parviendrez seront peut-être la bougie d’allumage qui lancera la sérieuse remise en question qui s’impose d’une technologie en apparence inoffensive et mènera, espérons-le, à l’adoption en territoire nord-américain des premières mesures préventives sérieuses en ce domaine qui mettront enfin un terme au laisser-faire actuel, emblématique de l’époque du Far-West où tout était permis et rien n’était réglementé.

Je suis convaincu qu’en votre âme et conscience vous saurez prendre les bonnes décisions, celles que vous serez fiers de rappeler à vos enfants et à vos petits-enfants dans quelques années en leur expliquant que vous avez contribué à désamorcer la bombe à retardement de l’épidémie de cancers du cerveau et de maladies débilitantes qui tiquetaquait presque à l’insu de tous avant l’ère du cellulaire domestiqué et dégriffé.

Cordialement vôtre !

Jean Hudon


Notes bibliographiques:

1. Pour en savoir plus sur les risques accrus d’avoir un cancer du cerveau, je vous recommande de lire...

Cellphones and Brain Tumors 15 Reasons for Concern
http://www.radiationresearch.org/pdfs/reasons_us.pdf
Science, Spin and the Truth Behind Interphone

Quotes from scientists and physicians that have endorsed the report
http://www.radiationresearch.org/pdfs/reasons_quotes.pdf

Warning: Your Cell Phone May Be Hazardous to Your Health
http://www.gq.com/cars-gear/gear-and-gadgets/201002/warning-cell-phone-radiation

2. Pour en savoir plus à ce sujet, visiter...

Wireless Stress Syndrome
http://www.wirelessstress.com/
Voir notamment leur liste exhaustive d’études publiées à ce sujet

Marin Project - Are Wireless technologies Making us Sick?
http://www.marinproject.org/
Le comté de Marin près de San Francisco offre un bon exemple des conséquences grandissantes de la prolifération des technologies sans fil. Une étude a évalué à plus de 7% de la population le nombre de personnes atteintes d’électrosensibilité.

Voir aussi :

Electromagnetic fields from non-ionising electromagnetic radiation : discussion
http://bemri.org/archive/hese-uk/en/niemr/ehs.php

Electromagnetic fields from non-ionising electromagnetic radiation : research
http://bemri.org/archive/hese-uk/en/niemr/ehs.php

Electrohypersensitivity (EHS) : discussion
http://www.hese-project.org/hese-uk/en/niemr/ehs.php

Electrohypersensitivity (EHS) : research
http://www.hese-project.org/hese-uk/en/niemr/ehs.php?content_type=R

THE CANADIAN INITIATIVE FOR SAFE WIRELESS, ELECTRIC AND ELECTROMAGNETIC POLICY - WHAT IS ELECTROHYPERSENSITIVITY
http://www.weepinitiative.org/areyou.html

Archives exhaustives sur toute la question
http://www.buergerwelle.de/cms/content/view/57/70/

5% des Canadiens sont hypersensibles
http://www.reseau-environnement-sante.fr/images/PDF/presse/lavergnehypersensibilite.pdf

MALADIES DE L'HYPERSENSIBILITE : QUELLES CAUSES ENVIRONNEMENTALES ?DU DENI A L’ACTION
http://www.reseau-environnement-sante.fr/images/PDF/presse/dpcolloquehypersensibilite210410.pdf?3a1ba009a35708267a74b7dd9da957c5=8ce4592497151bc9b275e923d95754ae

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